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concurrence ferroviaire

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Du progrès, mais peut mieux faire. C'est l'appréciation générale qui ressort de l'ouverture à la concurrence du rail français et la fin du monopole de la SNCF. Effective depuis l'arrivée de Trenitalia - qui sera rejoint dans quelques jours par Renfe -, elle commence à porter ses fruits sur la grande vitesse. En revanche, des freins importants se font encore ressentir dans la préparation des services conventionnés régionaux, autrement dit les TER.

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A l'occasion d'une étude parue mardi, l'Autorité de régulation des transports (ART) a publié de premiers chiffres sur les résultats de 2022 avec des tendances positives pour les services librement organisés (SLO), mis en place principalement sur les lignes à grande vitesse et accessibles à tout opérateur demandeur. Ceux-ci ont quasiment retrouvé leur niveau de 2019 (-3%), particulièrement sur les lignes intérieures (-1%). Porté par un taux d'occupation record de 74% des TGV domestiques, ce segment a cumulé 54 milliards de passagers-kilomètre soit 6% de plus qu'avant la crise. L'international est encore un peu en retrait sur l'offre comme la fréquentation (-12 %). Mais quel que soit le segment, la progression est sensible entre 2021 et 2022.

 

Anna Veran, Sylvain Boueyre et Marion Terraux

Avocats, cabinet Seban avocats

 

L’ouverture à la ­concurrence des contrats régionaux de transport ferroviaire est un grand défi présent et à venir pour les régions. En effet, ouvrir à la concurrence un secteur qui a toujours fonctionné en monopole impose de faire bouger les lignes. Du vocabulaire utilisé aux règles applicables, en passant par les jeux d’acteurs, tout ce qui était mis en œuvre est potentiellement amené à être repensé.

En cette année charnière, un premier bilan pourra être dressé pour apprécier les perspectives.

Rappel du cadre juridique

A partir du 25 décembre 2023, les régions auront l’obligation d’organiser une procédure de mise en concurrence pour toute nouvelle attribution d’un ­contrat portant exploitation d’un service ­conventionné de transport ferroviaire de voyageurs.

 

Le calendrier de libéralisation du secteur prévoit une mise en ­concurrence progressive. Depuis le 3 décembre 2019 et jusqu’au 24 décembre 2023, les autorités organisatrices de transport (AOT) ont la possibilité d’attribuer les ­contrats de service public sans publicité ni mise en ­concurrence à SNCF ­Voyageurs pour une durée maximale de dix ans. Les AOT peuvent également, si elles le souhaitent, organiser, depuis cette première date, des appels d’offres.

Mais, à compter du 25 décembre 2023, la mise en concurrence sera la règle. Les AOT devront donc organiser une procédure de publicité et de mise en ­concurrence pour toute nouvelle ­convention, sauf dérogations prévues par le règlement « OSP » (obligations de service public) (1) lorsqu’elles souhaitent procéder à une attribution directe (2). Ile-de-­France Mobilités (IDFM) dispose, quant à elle, d’un calendrier ­particulier en raison de la complexité et de la densité de son réseau.

 

Au 1er  janvier 2023, quelles stratégies régionales ?

On ­constate que les régions ont adopté des politiques d’ouverture à la ­concurrence assez contrastées, qui peuvent s’expliquer, notamment, par une réalité d’exploitation propre à chaque territoire, une ­contrainte budgétaire croissante, mais également par une relation ­contractuelle plus ou moins équilibrée avec l’opérateur historique.

A fin 2022, sur les douze régions concernées par le calendrier progressif d’ouverture à la ­concurrence :

  • seules deux régions n’ont pas encore prévu la possibilité d’ouvrir leur réseau à la ­concurrence : ­Occitanie et ­Bretagne. Les ­conventions TER prévoient une prolongation de l’offre sans mise en ­concurrence jusqu’en 2025 et 2028 ;
  • la région ­Centre – Val de ­Loire prévoit une ouverture progressive possible durant les deux dernières années de la ­convention 2022-2031 ;
  • deux régions, Nouvelle ­Aquitaine et ­Normandie, prévoient une ouverture anticipée de leur réseau à échéances respectives de 2024 et 2029, en intégrant la possibilité de tickets détachables de certaines lignes (3). Aucune activation n’est prévue à ce jour ;
  • six autorités organisatrices se sont lancées dans l’ouverture à la mise en ­concurrence des services conventionnés (Paca, Hauts-de-­France, Pays de la Loire, Grand Est, ­Auvergne – Rhône-Alpes et Ile-de-France Mobilités) ;
  • Bourgogne – Franche-Comté, qui avait initialement prévu une ouverture totale à la ­concurrence pour l’ensemble de son réseau au 1er janvier 2026, y a renoncé en décembre 2022.

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Quels enjeux pour préparer la mise en concurrence ?

Le sort du personnel

L’ouverture à la ­concurrence impliquera le transfert du personnel affecté au service de transport ferroviaire de voyageurs de l’exploi­tant historique vers celui nouvellement désigné. La loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire, dite « NPF », a fixé le cadre de ce transfert. Le régime applicable est en ­particulier visé aux articles L. 2121-20 et suivants du code des transports.

Cependant, la mise en œuvre pratique de ces transferts de personnel impliquera du doigté de la part du nouvel exploitant afin d’éviter les mouvements sociaux qu’IDFM a pu connaître en 2021, lors de l’ouverture des lignes de bus à la ­concurrence. Et les régions ne pourront pas complètement rester à l’écart de ces sujets. Ainsi, tirant les leçons de ces grèves, IDFM a mis en place un cahier des exigences sociales que les opérateurs de bus s’engagent à respecter.

Le sort des biens nécessaires au service public ferroviaire

Une ouverture effective à la ­concurrence suppose que les opérateurs puissent avoir accès aux biens nécessaires au service public tels que le matériel roulant et les ateliers de maintenance. A ce titre, l’article 21 de la loi « NPF » prévoit, en substance, que les matériels roulants utilisés pour la poursuite des missions, ainsi que les ateliers de maintenance majoritairement utilisés pour l’­exécution de ces services faisant l’­objet d’un tel contrat, en ce compris les terrains y afférents, sont transférés à l’AOT ­concernée, à sa demande et dans un délai qu’elle fixe. Ce transfert se fait moyennant le versement d’une indemnité égale à la valeur nette comptable, nette de toutes subventions et à la valeur vénale, nette de toute subvention, pour les terrains afférents aux ateliers de maintenance.

Mais, si la loi « NPF » a prévu les grands principes et les flux financiers, une multitude de sujets émergent en pratique : qui prend en charge les frais d’études ? Comment gérer les interactions entre les différentes filiales de la SNCF ? Comment gérer les opérations de maintenance ? Et il faut également bien souvent « remettre du droit » dans des situations issues du contexte historique à l’époque duquel la répartition des fonctions entre SNCF Voyageurs et sa sœur SNCF Réseau était bien moins prégnante.

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La transmission des données

Les données ­constituent un enjeu majeur pour que les régions puissent définir clairement leur stratégie d’ouverture à la ­concurrence du secteur ferroviaire.

Et, au-delà, l’accès à l’information permet aux opérateurs ferroviaires, ­concurrents de l’opérateur historique, de ­construire des offres ­compétitives en s’appuyant sur des données d’exploitation financières (le détail des charges et des recettes d’exploitation passées et prévisionnelles, les données de fréquentation de l’opérateur…) ou techniques (l’état des lignes ferroviaires, les caractéristiques des différents types de matériel roulant ou l’historique des opérations de maintenance) ­consolidées.

L’article L.2121-9 du code des transports, issu de la loi « NPF », a amélioré l’accès aux données pour les autorités organisatrices. Il oblige l’entreprise ferroviaire à transmettre à l’autorité organisatrice toute information relative à l’organisation ou à l’­exécution du ­contrat de service public, sans que puisse y faire obstacle le secret des affaires.

Si le champ d’application de cette obligation paraît assez contraignant pour l’opérateur ferroviaire sortant, on ­constate, en pratique, le maintien d’une certaine inertie dans la transmission des données qui peut s’avérer préjudiciable à l’ouverture de la mise en ­concurrence, voire fragiliser ses procédures.

Afin de réduire l’asymétrie d’information, qui demeure, les autorités organisatrices devraient être encouragées à mettre en place des outils de « reporting » ­conventionnels améliorés et à mobiliser des moyens suffisants au sein de leurs services pour traiter les données.

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Gare aux chausse-trappes de la commande publique !

Le législateur a décidé d’appliquer aux ­contrats de service de transport ferroviaire de voyageurs l’essentiel du régime applicable aux ­concessions et aux délégations de service public (4), mais pas sa totalité.

L’intégration du régime de la commande publique à ces ­contrats impliquera nécessairement un changement de paradigme. Ainsi, les règles de publicité et de mise en ­concurrence applicables aux ­contrats de ­concession et aux délégations de service public trouveront à s’appliquer. Mais, même pour les régions n’ayant pas décidé de ­procéder à une ouverture à la ­concurrence dès maintenant, le changement de paradigme a commencé. En effet, désormais, les modifications des ­contrats de service ­conclus avec SNCF ­Voyageurs en monopole ne seront possibles que si elles s’inscrivent dans l’une des hypothèses visées par le code de la commande publique.

Alors, gare aux chausse-trappes que réservent le code de la commande publique et les jurisprudences du juge administratif ! Egalement, attention aux ­particularités des ­contrats de transports ferroviaires.

Ainsi, pour ne citer qu’une ­particularité, ­contrairement au droit commun, et sauf exception ou disposition ­contractuelle, les biens apportés par l’attributaire ne ­constituent pas des biens de retour. Les régions auront donc intérêt à bien penser leurs projets de ­contrats de service de transport public de voyageurs lors des ouvertures à la ­concurrence.

 

 

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