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De la concurrence dans le ferroviaire régional

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La concurrence est bénéfique. La concurrence est obligatoire. Chacun choisira. Effective depuis l'arrivée de Trenitalia - réjoint par Renfe -, elle commence à se diffuser sur les lignes de la grande vitesse. En revanche, il n'en va pas de même pour les lignes régionales, un sujet largement éclipsé lors du congtrès des régions de France, préoccupé de sauver le soldat ferroviaire, ou de développer de nouvelles solutions ferroviaires - les RER métropolitains. 

A l'occasion d'une étude parue mardi, l'Autorité de régulation des transports (ART) a publié de premiers chiffres sur les résultats de 2022 avec des tendances positives pour les services librement organisés (SLO), mis en place principalement sur les lignes à grande vitesse et accessibles à tout opérateur demandeur. Ceux-ci ont quasiment retrouvé leur niveau de 2019 (-3%), particulièrement sur les lignes intérieures (-1%).

Porté par un taux d'occupation record de 74% des TGV domestiques, ce segment a cumulé 54 milliards de passagers-kilomètre soit 6% de plus qu'avant la crise. L'international est encore un peu en retrait sur l'offre comme la fréquentation (-12 %). Mais quel que soit le segment, la progression est sensible entre 2021 et 2022.

Ouvrir à la concurrence un secteur qui a longtemps fonctionné en monopole impose plus qu'une révision des opinions à ce sujet. Créée en 1937, la Société nationale des chemins de fer français, l'opérateur historique a assumé toutes les contradictions de l'Etat, et notamment deux d'entre elles: la modération tarifiaire imposée aux exploitants alors délégataires (les 6 compagnies qui n'avaient pas été nationalisées); subir la concurrence de la route que l'Etat continuait à développer, le coup de grâce étant donné par le dyanmisme des constructeurs automobile. Et le phénomne n'a pas concerné que la France, ni même la longue distance. C'est aussi de cette époque que date le retrait des tramways, qu'il fallut réintroduire ensuite, comme à Nantes par exemple. 

Revoir l'approche 

Concurrence voulue versus concurrence obligatoire. C'est à partir du 25 décembre 2023 que les régions auront l’obligation d’organiser une procédure de mise en concurrence pour toute nouvelle attribution d’un ­contrat portant exploitation d’un service ­conventionné de transport ferroviaire de voyageurs.

Le calendrier de libéralisation du secteur prévoit une mise en ­concurrence progressive. Depuis le 3 décembre 2019 et jusqu’au 24 décembre 2023, les autorités organisatrices de transport (AOT) ont la possibilité d’attribuer les ­contrats de service public sans publicité ni mise en ­concurrence à SNCF ­Voyageurs pour une durée maximale de dix ans. Les AOT peuvent également, si elles le souhaitent, organiser, depuis cette première date, des appels d’offres.

Mais, à compter du 25 décembre 2023, la mise en concurrence deviendra la règle. Les AOT devront donc organiser une procédure de publicité et de mise en ­concurrence pour toute nouvelle ­convention, sauf dérogations prévues par le règlement « OSP » (obligations de service public) lorsqu’elles souhaitent procéder à une attribution directe. Ile-de-­France Mobilités (IDFM) dispose, à titre dérogatoire, d’un calendrier ­particulier en raison de la complexité et de la densité de son réseau.

Panorama des stratégies régionales au 1er janvier 2023

On ­constate que les régions ont adopté des politiques d’ouverture à la ­concurrence assez contrastées, qui peuvent s’expliquer, notamment, par une réalité d’exploitation propre à chaque territoire, une ­contrainte budgétaire croissante, mais également par une relation ­contractuelle plus ou moins équilibrée avec l’opérateur historique.

A fin 2022, sur les douze régions concernées par le calendrier progressif d’ouverture à la ­concurrence :

  • seules deux régions n’ont pas encore prévu la possibilité d’ouvrir leur réseau à la ­concurrence : ­Occitanie et ­Bretagne. Les ­conventions TER prévoient une prolongation de l’offre sans mise en ­concurrence jusqu’en 2025 et 2028 ;
  • la région ­Centre – Val de ­Loire prévoit une ouverture progressive possible durant les deux dernières années de la ­convention 2022-2031 ;
  • deux régions, Nouvelle ­Aquitaine et ­Normandie, prévoient une ouverture anticipée de leur réseau à échéances respectives de 2024 et 2029, en intégrant la possibilité de tickets détachables de certaines lignes. Aucune activation n’est prévue à ce jour ;
  • six autorités organisatrices se sont lancées dans l’ouverture à la mise en ­concurrence des services conventionnés (Sud, Hauts-de-­France, Pays de la Loire, Grand Est, ­Auvergne – Rhône-Alpes et Ile-de-France Mobilités) ;
  • Bourgogne – Franche-Comté, qui avait initialement prévu une ouverture totale à la concurrence pour l’ensemble de son réseau au 1er janvier 2026, s'y emploie prudemment. Première région de gauche (Présidente et vice-président aux mobilités sont PS) à avoir ouvert à la concurrence ses trains régionaux, la Bourgogne-Franche-Comté a ensuite différé la mesure "pour des raisons techniques".  En juin dernier, le premier lot ouvert à la concurrence - le lot "Bourgogne Ouest Nivernais" - a fait l'objet d'un débat au conseil régional. Cette ouverture sera effective le 12 décembre 2026. Elle concernera la mise en oeuvre de circulations ferroviaires majoritairement dans la Nièvre et en Saône-et-Loire, dont la maintenance des matériels roulants est assuré à l'atelier de Nevers (Dans la mesure où c'est la région qui met à disposition le matériel, la question de la maintenance devient cruciale. Lors de la séance de juin 2023, le sujet ferroviaire se prolonge avec l'examen du rapport concernant la construction d'un atelier de niveau 3 à Perrigny-lès-Dijon.

Quels enjeux pour préparer la mise en concurrence ?

Le transfert du personnel

L’ouverture à la ­concurrence impliquera le transfert du personnel affecté au service de transport ferroviaire de voyageurs de l’exploi­tant historique vers celui nouvellement désigné. La loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire, dite « NPF », a fixé le cadre de ce transfert. Le régime applicable est en ­particulier visé aux articles L. 2121-20 et suivants du code des transports.

Facile à dire, plus difficile à faire. Que ce soit dans le ferroviaire ou ailleurs, le nouvel entrant doit faire preuve de doigté s'il ne veut pas se heurter à des mouvements sociaux. On a tous en mémoire ceux qu’IDFM a pu connaître en 2021, lors de l’ouverture des lignes de bus à la ­concurrence. Tirant les leçons de ces grèves, IDFM a mis en place un cahier des exigences sociales que les opérateurs de bus s’engagent à respecter.

Et les biens nécessaires à l'exploitation? 

Une ouverture effective à la ­concurrence suppose que les opérateurs puissent avoir accès aux biens nécessaires au service public, tels que le matériel roulant et les ateliers de maintenance. A ce titre, l’article 21 de la loi « NPF » prévoit bien que les matériels roulants utilisés pour la poursuite des missions, ainsi que les ateliers de maintenance majoritairement utilisés pour l’­exécution de ces services faisant l’­objet d’un tel contrat, en ce compris les terrains y afférents, sont transférés à l’AOT ­concernée, à sa demande et dans un délai qu’elle fixe.

Biens de retour. Ce transfert se fait moyennant le versement d’une indemnité égale à la valeur nette comptable, nette de toutes subventions et à la valeur vénale, nette de toute subvention, pour les terrains afférents aux ateliers de maintenance.

Pas si simple. Mais, si la loi « NPF » a prévu les grands principes et les flux financiers, plusieurs sujets demeurent en suspens : qui prend en charge les frais d’études ? Il faut parfois « remettre du droit » dans des situations complexes, issues de l'histore notamment entre SNCF Voyageurs et SNCF Réseau. La séparation de l'infrastructure de l'exploitation ayant préparé à gros traits l'ouverture à la concurrence, comme le développement de la logique des biens de retour dans les conventions signées avec l'exploitant historique. Comment gérer les interactions entre les différentes filiales de la SNCF ? Comment gérer les opérations de maintenance ? Et il faut également bien souvent « remettre du droit » dans des situations issues du contexte historique à l’époque duquel la répartition des fonctions entre SNCF Voyageurs et sa sœur SNCF Réseau était bien moins prégnante.

La transmission des données

Les données ­constituent un enjeu majeur pour que les régions puissent définir clairement leur stratégie d’ouverture à la ­concurrence du secteur ferroviaire.

Et, au-delà, l’accès à l’information permet aux opérateurs ferroviaires, ­concurrents de l’opérateur historique, de ­construire des offres ­compétitives en s’appuyant sur des données d’exploitation financières (le détail des charges et des recettes d’exploitation passées et prévisionnelles, les données de fréquentation de l’opérateur…) ou techniques (l’état des lignes ferroviaires, les caractéristiques des différents types de matériel roulant ou l’historique des opérations de maintenance) consolidées.

L’article L.2121-9 du code des transports, issu de la loi « NPF », a amélioré l’accès aux données pour les autorités organisatrices. Il oblige l’entreprise ferroviaire à transmettre à l’autorité organisatrice toute information relative à l’organisation ou à l’­exécution du ­contrat de service public, sans que puisse y faire obstacle le secret des affaires.

Si le champ d’application de cette obligation paraît assez contraignant pour l’opérateur ferroviaire sortant, on ­constate, en pratique, le maintien d’une certaine inertie dans la transmission des données qui peut s’avérer préjudiciable à l’ouverture de la mise en ­concurrence, voire fragiliser ses procédures.

Afin de réduire l’asymétrie d’information, qui demeure, les autorités organisatrices devraient être encouragées à mettre en place des outils de « reporting » ­conventionnels améliorés et à mobiliser des moyens suffisants au sein de leurs services pour traiter les données.

Gare aux chausse-trappes de la commande publique !

Le législateur a décidé d’appliquer aux ­contrats de service de transport ferroviaire de voyageurs l’essentiel du régime applicable aux ­concessions et aux délégations de service public (4), mais pas sa totalité.

L’intégration du régime de la commande publique à ces ­contrats impliquera nécessairement un changement de paradigme. Ainsi, les règles de publicité et de mise en ­concurrence applicables aux ­contrats de ­concession et aux délégations de service public trouveront à s’appliquer. Mais, même pour les régions n’ayant pas décidé de ­procéder à une ouverture à la ­concurrence dès maintenant, le changement de paradigme a commencé. En effet, désormais, les modifications des contrats de service ­conclus avec SNCF ­Voyageurs en monopole ne seront possibles que si elles s’inscrivent dans l’une des hypothèses visées par le code de la commande publique.

Contrairement au droit commun, et sauf exception ou disposition ­contractuelle, les biens apportés par l’attributaire ne ­constituent pas des biens de retour. Les régions auront donc intérêt à bien penser leurs projets de ­contrats de service de transport public de voyageurs lors des ouvertures à la ­concurrence.

 

 

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