Berlin a fini par perdre patience : après neuf mois de pannes à répétition de ses trains urbains, la plus grande ville d'Allemagne annonce la fin du monopole de l'opérateur Deutsche Bahn sur son réseau. Mais pas avant 2017...
La compagnie ferroviaire Deutsche Bahn "est incapable de résoudre la crise qu'elle a elle-même provoquée" en tentant de faire des économies avant une éventuelle privatisation, a déclaré Ingeborg Junge-Reyer, responsable du transport de la ville-État de Berlin. Celle-ci a donc annoncé le 8 janvier la fin du monopole de la Deutsche Bahn sur le réseau des trains urbains S-Bahn.
Cette décision n'entrera toutefois en vigueur qu'à partir de la fin du contrat en cours, en 2017, ce qui ne résout pas le problème actuel, qui est de taille.
Un service défaillant
En effet, début janvier 2010, seules 286 sur 632 voitures étaient en état de marche pour transporter quotidiennement 1,3 million d'usagers sur 331 kilomètres d'un réseau ferré qui s'étend jusqu'en banlieue, selon la DB. Bus et métros, qui dépendent d'une autre compagnie, continuent de rouler normalement. Mais dans une ville qui s'étend sur 891 km2 (huit fois la taille de Paris), les trains urbains jouent un rôle important dans la vie des 3,4 millions d'habitants.
"La maintenance, les vérifications, et la remise en état immobilisent une grande partie des wagons, ce à quoi s'ajoutent maintenant des perturbations dues au froid de l'hiver", explique un porte-parole de la Bahn. Gel et neige ont provoqué de nombreux retards cette semaine, mais le vrai problème dure depuis la découverte en mai 2009, à l'occasion d'un déraillement, que la maintenance des trains n'avait plus été assurée correctement depuis des années. Du coup, les fréquences ont été réduites, les rames raccourcies, des liaisons supprimées, et les usagers battent la semelle dans le froid sans être informés.
Un risque de perte de crédibilité
En juillet 2009, le problème était tel que le trafic a été réduit à un train sur trois, et le réseau a été coupé dans le centre ville pendant plus de deux semaines. Les patrons de la filiale S-Bahn ont été licenciés."Nous nous rendons ridicules lorsque nous nous portons candidat à l'exploitation des réseaux ferrés à l'étranger alors que nous ne sommes même pas capables de faire rouler les trains dans la ville où nous avons notre siège", affirmait un dirigeant de la Bahn, cité anonymement le 8 janvier par le quotidien die Welt.
"Deutsche Bahn et S-Bahn risquent une perte de confiance et de crédibilité sur le long terme", selon Chrisfried Tschepe, président du l'Association berlinoise des usagers des transports en commun (IGEB).
Encore plusieurs mois de galère en vue
La Bahn, le plus gros employeur de la capitale, envisage de rouvrir des ateliers récemment fermés pour tenter de résorber les problèmes de maintenance. Mais les problèmes vont encore durer plusieurs mois, a reconnu Ulrich Homburg, responsable du transport passagers de la Bahn, pour qui le but est "de revenir à un trafic normal sur toutes les lignes avant la fin 2010". La Bahn avait déjà promis un retour à la normale pour fin 2009.
Le ministre des Transports, Peter Ramsauer, qui avait déjà critiqué l'opérateur en novembre pour "avoir cherché à maximiser ses profits à court terme", a estimé qu'il devrait indemniser les usagers à Berlin. Un intervention rare du gouvernement fédéral dans un problème local. La Bahn a déjà promis aux usagers 55 millions d'euros de dédommagements, mais elle devra probablement remettre la main à la poche.