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Loi d'orientation des mobilités: pour une ingénierie renforcée et coordonnée des acteurs publics et privés.

A bord d'un véhicule du constructeur MAN

Crédit photo A bord d'un véhicule du constructeur MAN

Nous vous alertions déjà sur l’application de la loi d'orientation des mobilités (LOM), tandis qu’étaient avancés les projets de services express régionaux métropolitains (SERM). S’il fallait prendre un point de repaire nous pourrions avancer celui du covoiturage ou, au choix, celui des cars express, même si les investissements dans le domaine du ferroviaire sont unanimement jugés comme indispensables, ne serait-ce que pour asseoir les projets de SERM ou permettre le déploiement de projets placés sous le sceau de l’intermodalité - le transport se résume au fond toujours à des flux, mais n’oublions pas les changements de comportements.

L’heure du bilan

Dans un webinaire organisé le 18 janvier, le Cerema a ainsi pu dresser un bilan d’étape de la mise en œuvre de la loi d'orientation des mobilités (LOM); le moins que l’on puisse dire est qu’elle se déploie lentement. « Si, en pratique, la conduite de projets a semble-t-il permis de laisser de côté la question des compétences, celle du financement reste entière » (source Banque des territoires).

Quatre ans après l'adoption de la fameuse LOM, le Cerema a en effet souhaité faire un point sur la mise en oeuvre d’une loi jugée essentielle - mais c’était avant celle relative aux SERM. Au cours de ce webinaire, Céline Mouvet, de la Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGTIM) a pu constater que la loi avait suscité à son adoption "un vrai sentiment d’inquiétude ». Le propos peut surprendre. En fait, non: tant du côté des régions, qui redoutaient le morcellement des compétences, que des intercommunalités, qui craignaient le manque de moyens techniques et financiers. Cinq ans après, c’est donc notre éventuelle surprise qui est surprenante.

Essayons d’y voir clair en 4 points.

(1) Figure désormais à l’actif de cette loi, ou presque, la définition, par les régions, des bassins de mobilité. "La quasi-totalité du territoire est couvert", se félicite Nicolas Pitout, du Cerema. À date, seule la Bretagne manque encore à l’appel. On dénombre 236 bassins, qui comprennent eux-mêmes 5 intercos (des EPCI) en moyenne, avec de grandes disparités : 14 en moyenne dans la région Grand-Est, contre 2 en moyenne en Centre-Val-de-Loire.

(2) 214 comités des partenaires, ce chiffre que le Cerema tient apparemment d’Intercommunalités de France, est-il de son côté encourageant? L’Observatoire des politiques locales de mobilité relève par ailleurs que 10 régions ont institué leur comité des partenaires régional. Font encore défaut les régions Grand-Est, Centre-Val-de-Loire, Auvergne-Rhône-Alpes, la Corse, la Guadeloupe, la Guyane et Mayotte, celui de la Martinique étant "en cours d’installation".

Région Pays de la LoireParticipez au comité des partenaires de la Région Pays de la Loire

A quoi sert-il? Le comité des partenaires est instauré par chaque autorité organisatrice de la mobilité (AOM) et la région. C’est un outil de consultation : au moins une fois par an avant toute évolution substantielle de l’offre de mobilité mise en place, des orientations de la politique tarifaire, la qualité des services et l’information, il est associé aux décisions dans une double logique d’association des utilisateurs et des payeurs - qui en transport ne sont pas toujours les mêmes loin s’en faut.

L’AOM le consulte ainsi sur l’instauration ou l’évolution du taux de versement mobilité ainsi que le document de planification de sa politique.

3) Concernant les contrats opérationnels de mobilité (COM), Céline Mouvet concède non seulement que le "démarrage a été un peu difficile", mais aussi que cela "reste très très compliqué’". Pour preuve, le Cerema en recense seulement "8 opérationnels" : 4 en Nouvelle-Aquitaine et 4 en région Pays de la Loire – laquelle prévoit que ses 16 bassins de mobilité auront finalisé la démarche d’ici 2025 (2 COM seraient en cours de finalisation, et 5 devraient l’être d’ici la fin 2024).

Du pain sur la planche

Évoquant celui adopté par le bassin angevin, Emmanuel Legay, chef de projet Mobilités à la région Pays de la Loire, indique que son élaboration aura nécessité pas moins de "15 mois de travail, 2 comités de pilotage et 14 réunions thématiques". Fédérer, diagnostiquer demande du temps. Mais toutes les régions ne s’engagent pas dans la démarche avec le même enthousiasme. Mais c’est peut être aussi parce qu’il y a une autre approche qui mérite qu’on s’y arrête. Nous pensons à la Région Occitanie, principalement, qui entend demeurer aux commandes.

Plus généralement, le sujet est apparu au moment où les demandes de déplafonnement du versement mobilité étaient formulées avec plus de netteté, plus d’insistance de la part des AOM (compétentes pour l’urbain) alors même que les régions semblaient elles aussi exiger « une part du gâteau », en revendiquant une recette spécifique et pérenne à leur main, et qu’elles n’ont pas (voilà pourquoi on les distingue ici des AOM- agglomérations et métropoles - alors que juridiquement, ce sont bien aussi des autorités organisatrices de la mobilité).

Il faut dire que les réglons se sont fortement impliquées sur les politiques locales de mobilité depuis qu’elles ont récupéré les compétences « transports » autrefois dévolues aux départements (transports scolaires, etc..); et qu’elles ont été consacrées « autorités organisatrices de la mobilité régionale » (AOMR) par la LOM en 2019. Certes, pour financer cette offre, elles ne disposent pas du VM, « mais elles ont déjà des ressources importantes », du moins c’est l’argument qu’on leur oppose le plus souvent.

Pour en revenir à la Région Occitanie, Carole Delga, qui est aussi présidente de Régions de France, a récemment évoqué la possibilité pour les régions d'avoir accès au versement mobilité pour financer leurs politiques en matière de transport. « C’est une petite musique qui monte depuis quelques temps et s’est faite plus pressante lors du dernier congrès de Régions de France, les 15 et 16 septembre, à Vichy, où la présidente de l’association, également présidente (PS) de la Région Occitanie a laissé entendre que les régions souhaiteraient percevoir une part des recettes du versement mobilité (source Gazette des Communes) ». Ce qui n’a pas été bien accueilli par l’association des Intercommunalités de France qui, via son président, Sébastien Martin, s’est fendu d’une lettre à la présidente de Régions de France (*).

Les moyens au coeur du débat

Pas de moyens, pas de compétence. On se souvient en effet que dans son courrier, Intercommunalités de France en avait profité pour reparler d’un autre sujet sensible entre les régions et les communautés de communes. Impossible d’oublier que le LOM avait demandé aux communautés de communes de se prononcer, par vote, pour ou contre la prise de la compétence « mobilités » avant le 31 mars 2021. Un délai jugé trop court par certaines associations (Intercommunalités de France, mais aussi l’Association des maires de France).

Seule une moitié des "comcoms" a choisi de prendre cette compétence. Sébastien Martin avait plaidé pour « l’ouverture d’une nouvelle période de délibérations pour permettre aux communautés de communes qui n’auraient pas été en mesure de correctement étudier l’option du transfert de la compétence d’organisation des mobilités (AOM) de le faire ». Une demande qui n’a pas été du goût de toutes les régions, et qui en tout cas, pose clairement la question du « qui fait quoi » sur des territoires où la logique d’une offre structurante à l’échelle géographique la plus élevée, « croise » celle d’une approche plus fine, par bassin de mobilité (*)

Bus & Carhttps://www.busetcar.com › sebastie...Mobilité. Vers une remise en cause du statut quo en matière de compétence?

Intercommunalités de France a à l’époque décliné la proposition de Régions de France de mettre en place des « agences de la mobilité ». Ces agences seraient pilotées par les régions et regrouperaient les autorités organisatrices et les gestionnaires d’infrastructures en milieu urbain et péri-urbain, l’idée paraissait pourtant bonne, pas très éloignée en fait des exigences qu’on retrouve formulées pour obtenir le label SERM (**). Il faut bien avouer que les contrats opérationnels de mobilité constituent déjà un cadre de collaboration entre l’échelon régional, chef de file en matière de mobilité, et les autorités locales organisatrices de la mobilité, même si toutes les intercommunalités n’ont pas acquis une compétence de substitution, loin s’en faut.

(4) La situation est très inquiétante du côté des plans d’action commun en faveur de la mobilité solidaire (PAMS). "La plupart des régions se sont d’abord lancées dans les COM. Ainsi, nous faisons des PAMS une des actions des COM", explique Emmanuel Legay. Exception notable, la région Hauts-de-France, qui a fait le choix de développer les deux concomitamment.

Bus & Carhttps://www.busetcar.com › territoiresMobilité solidaire: où en est-on?

Agence nationale de la cohésion des territoireshttps://agence-cohesion-territoires.gouv.fr › ...Mobilité solidaire

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Notre entretien avec Xavier Bertrand (paru le 13 novembre 2023)

Réussir le report modal c’est évidemment nécessaire mais qu’en est il d’une partie de la population - la plus vulnérable - est éloignée de toutes possibilités de mobilité? Pour accompagner les personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale et toutes les personnes en situation de handicap, la Région des Hauts de France est pionnière pour la mobilité solidaire. Vous l’assumez ?

Interrogé par nos soins, Xavier Bertrand nous avons répondu. « La mobilité solidaire est au cœur de nos préoccupations. Je veux que chaque habitant, n’importe où dans la Région, puisse trouver une solution de mobilité en fonction de sa situation. C’est une de mes priorités depuis mon élection à la tête de la Région Hauts-de-France, d’abord avec la mise en place d’une aide de 240 euros par an pour ceux qui sont obligés de prendre leur voiture pour aller travailler, ensuite par la mise à disposition d’une voiture à 1€/jour pour ceux qui retrouvent un emploi. L’idée c’est déjà de réussir le maillage territorial entre métropoles, villes moyennes, petites villes et zones rurales. Nous travaillons donc sur le lien entre le train et les transports collectifs, sans oublier le transport à la demande, ainsi que sur la tarification pour répondre aux situations de précarité qu’on retrouve par exemple chez les demandeurs d’emploi. Parmi les solutions pour y remédier, les Hauts-de-France financent des plateformes de mobilité solidaire. Elles ont pour mission de faciliter la mobilité auprès des publics « fragiles » (demandeurs d’emplois, jeunes sortis du système scolaire sans qualification, salariés en insertion, bénéficiaire d’une allocation handicap, de l’APA, d’une allocation d’invalidité, etc.). Nous travaillons par ailleurs actuellement avec les 5 départements de la Région pour développer un plan d’action pour la mobilité solidaire »

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Quelques pistes de réflexion supplémentaires

Au-delà des chiffres – et si la question de la prise de compétences pourrait être rouverte, comme l’appelle de ses vœux Intercommunalités de France, et pour en revenir à Céline Mouvet, citée par la Gazette des Communes, observe que le passage à la pratique, via la conduite de projets concrets, a permis de "laisser de côté les discussions générales sur la compétence", pour favoriser sur le terrain une coopération désormais indispensable.

Il y a effet deux approches en la matière, et il est bien difficile en l’état de se forger une opinion définitive. Soit en considère que définir des compétences revient à ériger des barrières qui compliquent les coopérations, soit on pense qu’une fois ces compétences arrêtées, et fondées géographiquement, il est possible d’engager les discussions.

« Avec la loi Notre, la loi Maptam, chacun restait dans son pré carré", considère Céline Mouvet,

alors que pour faire naître "le choc d’offre, on est obligé de mutualiser et de nouer des partenariats". C’est au fond la logique de coopération qui est avancée; elle permet de faire "émerger des objets de coopération" tels que "les syndicats mixtes SRU ou les SERM".

Syndicat mixte, trop lourd?

Mais les exemples à l’échelle sont encore trop peu nombreux. En juillet 2018 ainsi les collectivités et réseaux de transports en commun de Nouvelle-Aquitaine se sont unies pour renforcer leurs actions, et depuis elles ont bien avancés, tout en intensifiant leur coopération sur la seule Gironde par exemple pour développer des cars express. Nouvelle-Aquitaine Mobilités a en effet vu le jour pour coordonner, faciliter et façonner une mobilité durable sur l’ensemble du territoire. 34 membres engagés (Région, Agglomérations, Communautés de Communes…), 40 réseaux de transports concernés et 84 061 km² couverts font de Nouvelle-Aquitaine Mobilités l'un des premiers Syndicat Mixte de France. C’est le signe d’une volonté forte des acteurs publics régionaux de façonner aujourd’hui les mobilités de demain et de répondre aux orientations législatives (loi NOTRe et LOM) par l’action.

Ajoutons que le syndicat mixte est le seul outil qui ouvre la possibilité d’une ressource, le versement mobilité additionnel; malgré ses limites, il présente l’avantage de ne pas nécessiter de modification législative, l’essentiel du travail ayant été fait par loi solidarité et renouvellement urbains de 2000. Outil jugé « lourd », il repose sur une véritable volonté régionale…

Il y a un temps pour toutes choses, et il est possible qu’il faudra à l’avenir non seulement faire avec les outils et les moyens existants ou parier sur un « coup de pouce » parfois substantiel, en faveur d’un projet comme c’est le cas avec les SERM. Ce type de projets étant par nature l’occasion d’une aide de l’Etat. On en est là.

 

 

Notes

(*) Si plusieurs lois ont été adoptées depuis le grand texte fondateur de 1982 (la loi d’orientation des transports intérieurs après celle des transports publics locaux de 1979), le principe fondateur de l’organisation des transports demeure inchangé : aucune collectivité, même très importante, ne peut exercer une tutelle sur une autre. Et ce n’est pas qu’un principe juridique, c’est aussi la conséquence d’une logique démocratique.

Intercommunalités de France a à l’époque décliné la proposition de Régions de France de mettre en place des « agences de la mobilité ». Ces agences seraient pilotées par les régions et regrouperaient les autorités organisatrices et les gestionnaires d’infrastructures en milieu urbain et péri-urbain, l’idée paraissait pourtant bonne, pas très éloignée en fait des exigences qu’on retrouve formulées pour obtenir le label SERM. 

Il faut bien avouer que les contrats opérationnels de mobilité constituent déjà un cadre de collaboration entre l’échelon régional, chef de file en matière de mobilité, et les autorités locales organisatrices de la mobilité, même si toutes les intercommunalités n’ont pas acquis une compétence de substitution, loin s’en faut.

 

 

Auteur

  • Eric Ritter et la Rédaction
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