Transpod, un des constructeurs potentiels d’Hyperloop, va expérimenter sa technologie en Haute-Vienne, où sera aménagée la plus longue piste d’essai Hyperloop au monde. Localement, le projet suscite des réactions contrastées, entre enthousiasme et rejet catégorique.
Après avoir rêvé de TGV, Limoges espère un Hyperloop. Ou plus exactement un centre d’essai hyperloop, avec un bâtiment dédié aux études techniques et une piste de 3 km pour les tests. Soit la plus grande piste d’essai Hyperloop au monde. Déposé le 10 août, le permis de construire pourrait être accordé en novembre et les travaux commencer début 2019. De quoi réjouir Vincent Léonie, adjoint à la mairie de Limoges, vice-président de l’agglomération et président de l’association Hyperloop Limoges, qui a convaincu Sébastien Gendron, le pdg de TransPod, de choisir le Limousin pour mener ses essais. Selon Vincent Léonie, les enjeux sont multiples: « C’est d’abord un énorme coup de projecteur sur Limoges, capable d’attirer une startup impliquée dans une bataille mondiale de recherche/développement. Avec, bien sûr, l’espoir d’attirer d’autres entreprises innovantes. Ensuite, en matière de communication interne, il s’agit de désenclaver les esprits, que chacun puisse croire en ce territoire et devienne acteur de son développement. Enfin, s’il ne s’agit pour l’heure que de R&D, il y a espoir qu’à terme, lorsque l’Hyperloop TransPod sera opérationnel, Limoges soit une gare incontournable sur des liaisons longue distance, et que des entreprises sous-traitantes en lien avec la technologie (fabricants de pod, de tubes…) s’y installent, positionnant ainsi l’agglomération comme un pôle de développement d’une technologie d’avenir. »
Pour l’heure, localement, l’annonce du choix de la société TransPod d’installer sa piste d’essai en Limousin a naturellement suscité beaucoup d’intérêt, de curiosité, mais aussi de scepticisme. Les collectivités se disent bien sûr favorables au projet, le soutiennent officiellement, mais seul le conseil départemental de la Haute-Vienne s’est véritablement engagé en mettant à disposition un terrain, une ancienne voie ferrée entre Chateauponsac et Bessines, au nord de l’agglomération. Autre soutien apporté localement au projet: Les services de la Préfecture ont étudié un permis de construire blanc et préconisé des ajustements afin d’éviter des retards dans l’instruction du dossier définitif. Le pdg de Transpod a également rencontré Alain Rousset, le président de la région Nouvelle-Aquitaine qui, tout en ne fermant pas la porte, reste prudent: « La Région répondra présente lorsque le projet sera prêt. Mon appétence pour l’innovation de rupture fera que la Région accompagnera ce projet sur le volet R&D. »
Vincent Léonie positive: « C’est un choix de ne pas solliciter les collectivités. En Limousin, entre la LGV et la mise à 2x2 voies de la RN147
Si le projet suscite parfois de l’enthousiasme, il fait aussi l’objet de nettes oppositions. À commencer par les riverains du centre d’essai, qui craignent des nuisances, notamment visuelles. « Nous les avons rencontrés et ils sont rassurés puisque Sébastien Gendron a modifié les plans pour que l’impact visuel soit limité. Il y a aussi les néo ruraux, ceux qui se sont installés ici pour fuir la ville. Nous essayons de leur expliquer qu’en plus des petits oiseaux, il faut de l’économie… », répond Vincent Léonie. Les élus écologistes du Limousin font quant à eux rimer Hyperloop avec entourloupe. Ils s’inquiètent du coût final d’une ligne Hyperloop (qu’ils estiment à 60 M€/km) et des dégâts environnementaux, avec la nécessité de creuser dans les collines des corridors d’une largeur d’autoroute à 2x2 voies; du risque d’enclavement des zones rurales alors que les liaisons s’effectueraient entre métropoles; et de l’urgence de s’occuper des transports d’aujourd’hui plutôt que de chimères. Des arguments que Vincent Léonie balaie aussitôt: « Il y avait des gens au XIXe siècle qui ne croyaient pas au chemin de fer… Quant aux trains du quotidien, j’y suis attentif en permanence en tant qu’élu. Mais il ne faut pas les opposer à un mode de transport du futur! »
Les élus écologistes ne sont pas les seuls à douter de l’intérêt et de la faisabilité de l’Hyperloop, quelle que soit sa technologie (voir encadré). Ainsi, plusieurs spécialistes du transport avancent de nombreuses objections. Notamment en termes de coût de construction, avec des estimations qui oscillent entre 25 et… 65 M€/km. Même s’il est difficile d’anticiper le niveau d’investissement réel en cas de fabrication industrielle, et les coûts de fonctionnement. Même si une production photovoltaïque (des panneaux solaires installés sur les tubes) est censée assurer une autonomie énergétique au dispositif… Autre interrogation: la vitesse de transport initialement annoncée à près de 1 200 km/h ne serait réellement que de 600 km/h. Ce qui réduit le différentiel avec l’avion ou le TGV qui, lui, peut transporter plusieurs centaines de passagers par rame. Contre une cinquantaine par pod. « Je comprends toutes ces interrogations. Comme toute nouvelle technique, on ne peut présumer. D’où la nécessité d’un centre d’essai. Certes, l’Hyperloop ne tiendra pas la cadence du TGV avec des rames toutes les 5 minutes pour 700 passagers. Mais ça ne sert à rien de raisonner en termes de quantité si la quantité n’est pas là. Car l’avantage des pods justement, c’est leur souplesse. On va vers une individualisation des transports en commun afin qu’ils s’adaptent aux besoins. Et justement, les transports en commun d’aujourd’hui manquent de souplesse… »
Né dans l’esprit d’Elon Musk, le milliardaire créateur et dirigeant de multiples sociétés, dont les automobiles Tesla, le concept d’Hyperloop consiste à faire circuler des capsules pressurisées d’environ 25 m de long dans des tubes sous basse pression. L’absence de frottement est censée permettre d’atteindre des vitesses de 1 000 à 1 200 km/h. Les tubes de 4 m de diamètre sont installés soit sur des pylônes, et sont alors couverts de panneaux photovoltaïques qui assurent l’autonomie énergétique du dispositif, soit en sous-terrain. Plusieurs sociétés travaillent sur le concept, avec différentes variantes quant à la technologie: le Korean Rail Research Institute depuis 2011; l’américain Hyperloop One créé en 2014 et qui compte parmi ses investisseurs la SNCF et General Electric; Hyperloop Transportation Technologies (HTT), une autre société californienne qui aménage actuellement un centre d’essai à Toulouse, sur une ancienne base militaire; enfin le canadien TransPod. Les technologies de chacun varient (lévitation magnétique active, passive, avec aimants sur les pods, dans les tubes…) ainsi que leurs objectifs d’usages et de mise en service, pour le fret puis les voyageurs.
* Le limousin a contribué financièrement à la construction de la LGV SEA en échange de la promesse d’un barreau LGV Limoges-Poitiers raccordé à la SEA. Outre les fonds perdus, ce projet avorté, soutenu essentiellement par des élus de Limoges, a retardé la remise à niveau de la ligne historique POLT (Paris-Toulouse). Figurant au schéma routier national des liaisons d’aménagement du territoire depuis 1992, la mise à 2x2 voies de la RN147 entre Poitiers et Limoges n’a jamais été réalisée mis à part quelques contournements de bourgs.
