Mobilité durable La 6e édition du congrès Intermodes s’est tenue le 6 février 2014 à Bruxelles, elle avait pour thème l’intermodalité durable.
Retour sur quelques-unes des idées et réflexions marquantes qui ont rythmé la journée.
C’est un fait. L’intermodalité fait doucement son chemin dans les esprits des acteurs de la mobilité. Et pour cause. Le concept, qui implique de faciliter l’utilisation pour l’usager de plusieurs modes de transport au cours d’un même déplacement, présente de nombreux avantages. Il permet de limiter les coûts d’investissements liés à la mise en place de réseaux lourds, tout en favorisant le report modal. Mais à l’heure des réflexions sur la ville de demain, plus respectueuse de l’environnement, la notion d’intermodalité durable, qui favorise les modes doux ou les systèmes moins polluants, doit aussi et surtout être développée. Tel était le message que tentait de faire passer cette 6e édition du congrès Intermodes. Les collectivités, opérateurs, industriels et chercheurs présents lors de cette journée ont ainsi pu assister à quatre tables rondes autour du sujet. Elles ont été illustrées par plusieurs exemples de solutions innovantes mises en place au sein de villes européennes.
Parmi les problématiques abordées, figurait celle du premier et du dernier kilomètre lors d’un trajet en train. En effet, la gare n’est jamais la destination finale de l’usager qui privilégie alors souvent le taxi ou la voiture personnelle pour commencer son voyage ou le terminer. Pourtant, des solutions existent, plus respectueuses de l’environnement et entraînant moins de congestion urbaine.
Parmi elles, figure Kutsuplus, un service pilote de transport partagé à la demande, lancé en 2012 dans la capitale finlandaise d’Helsinki. Le système, fonctionnant via une application smartphone mise au point par la société Ajelo Oy, permet à un usager de réserver rapidement un trajet, seulement un quart d’heure avant la prise en charge, de sélectionner un point de rencontre à proximité de son point de départ et d’être conduit à l’endroit désiré. Une fois le client à bord, le conducteur peut ensuite prendre d’autres usagers ayant fait une réservation vers une destination similaire à celle du premier voyageur. Le tout, pour un coût situé entre le taxi et les transports en commun. « Ce que nous proposons, c’est un transport public sur mesure, indique Teemu Sihvola, fondateur et Pdg d’Ajelo Oy. À mes yeux, ce type de services est souvent le maillon manquant dans une ville. Nous ne voulons pas remplacer les transports en commun, au contraire, mais nous voulons encourager les usagers à penser à d’autres moyens de se déplacer que la voiture personnelle. C’est un maillon qui peut aider d’autres modes ». Résultat, le succès est au rendez-vous: « Pour le moment, le service ne fonctionne qu’avec un panel réduit de personnes, mais il nous arrive déjà d’avoir des files d’attente à certaines gares et à l’aéroport », ajoute le Pdg, précisant que contrairement aux services de transport à la demande ou d’autopartage habituels, qui ont souvent du mal à trouver leur modèle économique, « nous fonctionnons sans subvention ».
Dans un autre genre, les agglomérations de Barcelone et Varsovie ont choisi de penser la problématique du trajet entre la gare et le domicile en encourageant les voyageurs à prendre leur vélo.
La ville espagnole vient ainsi d’installer à proximité des gares et stations de transports en commun, des parkings à vélo d’un nouveau genre, les Bicibox, dans 17 municipalités de l’aire métropolitaine. Il s’agit de conteneurs, avec des compartiments individuels complètement refermables, qui permettent de ranger son vélo une fois qu’on l’a utilisé. Ainsi, la bicyclette est complètement protégée de la pluie ou des vols. Autre atout: « Les Bicibox sont des équipements totalement autonomes qui fonctionnent à l’énergie solaire », indique Joan Maria Bigas Serrallonga, directeur des services techniques, des transports et de la mobilité à l’aire métropolitaine de Barcelone. Si le système fonctionne déjà bien, des améliorations sont d’ores et déjà prévues pour rendre les Bicibox encore plus faciles d’utilisation. Ainsi, la carte d’abonnement nécessaire pour bénéficier du service pourrait être combinée à celle des transports en commun de la capitale catalane. « Nous travaillons pour un système de billétique commun. Mais à Barcelone, il n’y a pas encore de carte intégrée. Cela pourra peut-être se faire pour 2015 », ajoute-t-il.
À Varsovie, le choix du parking à vélo innovant a aussi été privilégié. La capitale polonaise a en effet lancé récemment des aires permettant d’entreposer sa bicyclette en misant sur la sécurité et la praticité. « Nos parkings à vélo sont équipés d’une caméra de surveillance pour limiter les vols et rassurer les utilisateurs. Nous avons également mis à disposition du matériel permettant de menues réparations, regonfler un pneu crevé », indique Artur Tondera, chef de section du trafic bicyclettes au département des pôles d’échange de l’autorité organisatrice des transports de la ville. Le système semble avoir trouvé son public: « cela fonctionne bien. On voit que certains usagers utilisent le parking pour aller en centre-ville, et que d’autres combinent le vélo avec un autre moyen de transport », ajoute le responsable.
Autre sujet abordé lors du congrès, celui de l’intermodalité avec l’aérien, notamment lorsqu’il s’agit de combiner l’avion et le train. Du côté des voyageurs, cette forme de déplacement est en plein développement. En France par exemple, en 2011, près de trois millions de personnes ont choisi le TGV pour prendre en correspondance un vol en Europe ou à l’international. Pour favoriser cette intermodalité, un long chemin reste encore à parcourir au niveau des politiques à mener: « des interrogations subsistent quant aux choix à adopter dans ce sens, comme la mise en place de billets combinés », indique Emmanuelle Maire, chef d’unité marché intérieur de l’aviation et aéroports à la direction générale de la mobilité et des transports au sein de la Commission européenne. « Les questions de la redistribution de la somme payée par le client entre les deux modes et celle liée au droit des passagers [à savoir si des compensations seront prévues en cas de retard de l’un des deux modes, ndlr] sont autant de points à éclaircir. »
Pour autant, plusieurs aéroports européens se lancent dans la mise en place de billets combinés pour faciliter le voyage de l’usager. C’est le cas de l’Allemagne qui propose un seul billet pour les deux modes, ce qui permet aussi de bénéficier de réductions. « Le service AirRail fonctionne avec des trajets ferroviaires à l’intérieur de l’Allemagne [sur les itinéraires vers et au départ de Francfort, Stuttgart, Cologne et Düsseldorf, ndlr] », indique Peter Pfragner, commissaire à l’intermodalité à l’aéroport de Francfort. Mais ce type d’expériences doit encore être perfectionné: « Il reste par exemple à trouver des solutions au niveau de la prise en charge des bagages pour que le voyageur n’ait pas à les transporter du train pour ensuite les enregistrer à l’aéroport », précise le commissaire.
Au-delà du billet combiné air-train, la question de favoriser la connexion entre les transports en commun et les aéroports se pose aussi. En effet, « le trafic routier représente 7 à 45 % des émissions de CO2 d’une ville aéroportuaire, explique Lea Bodossian, secrétaire générale de l’association Airport Regions Conference. « Dans le même temps, on constate que des actions coordonnées peuvent réduire cette pollution de 14 à 17 %. » Cela passe notamment par une politique favorable aux transports en commun, comme l’a fait le comté d’Akhershus en Norvège, où, grâce à un système de transport en commun très développé, 75 % des personnes qui arrivent sur place le choisissent pour se rendre dans le centre d’Oslo.
Genève quant à elle envisage une politique défavorable aux véhicules motorisés via la mise en place d’une tarification très élevée des parkings pour les voitures individuelles. « Cela aussi pourrait être une solution », considère Lea Bodossian.
L’intermodalité durable ne se fera pas uniquement avec les modes lourds. La question de l’aménagement de l’espace urbain pour favoriser les transports alternatifs, tels que le vélo, la marche à pied et autres modes doux, était aussi un des thèmes mis en avant lors du congrès. Parmi les nombreux exemples qui ont été présentés sur ce sujet, figurait celui de l’agglomération lyonnaise. « Nous voulons en finir avec le tout voiture et faire en sorte que des modes plus respectueux de l’environnement se réapproprient la rue », indique Keroum Slimani, chargé de mission vélos et piétons au service mobilité urbaine du Grand Lyon. Pour ce faire, l’agglomération a inauguré le 5 décembre 2013 le « Tube mode doux » de la Croix-Rousse, long tunnel de 1 800 mètres dédié aux transports en commun, à la marche et aux vélos. La création de cet ouvrage est venue de la nécessité de rénover le tunnel routier de la Croix-Rousse pour le mettre en conformité avec les normes de sécurité liées aux ouvrages souterrains qui imposent la création d’un dispositif d’évacuation des utilisateurs en cas de problème. « Le Grand Lyon a saisi cette opportunité de rénovation pour faire de cette obligation réglementaire un projet innovant: créer un nouveau tube, réservé aux transports en commun et aux modes doux, parallèle à l’existant. Traversé par trois types de voies de circulation (bus, piétons et vélos) et large de 10 mètres, le nouveau tunnel […] garantit l’accessibilité aux personnes handicapées ainsi qu’une traversée sécurisée et agréable: œuvres numériques projetées sur les parois, équipements de ventilation et d’éclairage pensés pour le bien-être de tous les usagers », indique le Grand Lyon.
Des solutions existent donc pour favoriser l’intermodalité durable, que ce soit avec les modes lourds ou par une autre manière de penser l’espace urbain. Mais les nombreuses interrogations liées à ce développement ne sont pas toutes encore réglées.
La journée du congrès s’est clôturée avec la remise du prix Intermodes 2014. Le prix est décerné chaque année à une municipalité considérée comme un exemple en matière d’intermodalité. Cette année, ce n’est pas une agglomération, mais deux qui se sont vues remettre un trophée.
Parmi elles, le Grand Lyon. La collectivité a été sélectionnée pour sa politique axée sur le développement des transports publics et des transports partagés, notamment pour la réalisation de deux projets d’envergure allant dans ce sens. Tout d’abord, le pont Raymond Barre dédié aux tramways et aux modes doux, entré en service le 19 février dernier. Puis, la passerelle de la Paix entre la Cité internationale et Caluire, entièrement dédiée aux modes doux, a été inaugurée le 25 février 2014. « En renforçant son maillage au fil des ans, le Grand Lyon favorise l’accès de chaque habitant au réseau de transports en commun, contribuant ainsi à la vitalité des activités et au désenclavement de certains quartiers », explique Intermodes.
L’agglomération néerlandaise d’Utrecht a également été récompensée. Elle envisage de mettre en service le plus grand parc à vélos du monde, il permettrait d’accueillir 12 500 bicyclettes.
Le projet est d’envergure, il devrait voir le jour à proximité de la gare centrale en 2018.
Ces deux villes succèdent à la commune de Pontevedra, située au nord-ouest de l’Espagne, qui avait remporté le prix en 2013 pour la création du premier réseau piétonnier d’Europe.
